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TÉLÉRAMA
Être ou ne pas être le personnage? Telle est la question de l’acteur
Pour incarner un rôle, l’acteur doit-il vraiment ressentir les
émotions qui le traversent ou seulement les imiter ? Chacun sa méthode,
ses rituels, l’essentiel étant que le spectateur, lui, y croie !
Les acteurs sont des mécréants. Leurs dieux ne s’appellent pas Yahvé ou Allah. Ils se nomment Phèdre, Alceste, Platonov, Antigone ou Hamlet. Les acteurs ne s’en remettent pas au divin avant d’entrer sur scène, ils s’abandonnent à la toute-puissance des mots. Ils assimilent des textes pour leur donner une forme charnelle et servent des héros avec la dévotion d’un prêtre célébrant l’Esprit saint au cours d’une messe solennelle. Ils ont foi dans le théâtre, le public est leur espérance. Seraient-ils des mystiques qui s’ignorent ?
Etrange métier que le leur. Doivent-ils croire en leurs personnages pour les rendre crédibles aux yeux des spectateurs ? La question est posée depuis que Diderot, au XVIIIe siècle, en a fait l’argument d’un livre fondateur devenu la bible de celles et ceux qui font profession de jouer. Dans le Paradoxe sur le comédien, le philosophe oppose deux méthodes. Elles sont, en réalité, deux écoles de pensée. Soit l’interprète adhère sans réserve à son personnage, épouse ses émotions, adopte son caractère jusqu’à se dissoudre en lui, soit il s’en tient à distance respectable pour que jamais sa raison ne s’effrite face aux passions qui consument le héros. Pour Philippe Torreton, qui se rasa le crâne afin de devenir le Cyrano d’Edmond Rostand, « on n’est jamais le personnage, c’est un leurre absolu. Le débat n’est pas de croire ou de ne pas croire,...